Deux maisons médicales de la fédération ont imaginé un jardin adapté aux besoins de leurs résidents. Ces espaces paysagers offrent de précieux moments d’évasion, entre détente et émerveillement. Un atout pour l’accompagnement.
Ambiance décontractée dans ce jardin parisien. Les oiseaux chantent. Le vent souffle dans les branches. De petits groupes discutent tranquillement. Mais ce coin de verdure n’est pas un square comme les autres. Des fauteuils roulants et des bras de perfusion, parfois même des lits, circulent librement dans les allées. Bienvenue dans le jardin extra-ordinaire de la Maison médicale Jeanne Garnier, inauguré en septembre 2018. Tout autour des bâtiments, il offre 5000 m2d’échappée belle aux résidents et à leurs visiteurs.
« Nous avons voulu rendre ce jardin plus accueillant et plus accessible », explique Pascale Poulain, responsable des bénévoles, qui a suivi le chantier de près. Les chemins ont été repensés pour intégrer des pentes adaptées, des raccourcis et des espaces permettant de faire demi-tour en fauteuil. « L’idée, c’est de faire voyager. Ici, les personnes malades oublient les traitements. Certaines ne sont pas sorties dehors depuis des mois ! » Le jardin renforce l’aspect maison, une dimension très importante à Jeanne Garnier : « On peut parler d’autre chose, se retrouver en famille, organiser un apéro avec des copains. Un jour, j’ai entendu un enfant dire qu’il allait voir Mamie dans son jardin ! »
L’équipe de Jeanne Garnier a bénéficié de l’expérience d’un autre établissement de la Fédération des dames du calvaire. Depuis 2017, la maison Marie Galène de Bordeaux dispose d’un parc arboré finement réaménagé à l’initiative de trois membres du personnel : une aide-soignante, une psychomotricienne et une infirmière en soins palliatifs. « Le projet était de travailler sur les cinq sens », précise Rémy Bironneau, l’adjoint de direction. « Il a été mis en œuvre par les élèves du lycée horticole de Blanquefort. » On entend le ruissellement de l’eau dans la chambre de verdure. On peut cueillir et goûter les fruits du verger. On peut aussi marcher sur un dessin de fleur dont chaque pétale correspond à une texture de sol différente : sable, gravier, copeaux de bois : « Les rééducateurs l’utilisent dans le cadre de l’atelier de prévention des chutes. »
L’ensemble alterne les tonnelles propices aux confidences et les lieux plus ouverts comme la terrasse accessible depuis le service de soins palliatifs, y compris avec un obus d’oxygène ou un branchement électrique : « Cela permet aux familles de circuler avec leurs proches dans un espace plus apaisé et moins anxiogène », complète Rémy Bironneau. Le site est clôturé. Même les résidents qui présentent des troubles cognitifs peuvent s’y promener sans danger. Le kiosque permet de rassembler les amateurs de jeux de société ou même les mélomanes pour un concert le jour de la fête de la musique.
Dans le jardin de Jeanne Garnier, les massifs ont été composés par couleur. Les espèces retenues sont robustes et variées. Elles se renouvellent au fil des saisons. Même l’hiver, les feuillages gris des couvre-sol ou les tiges rouges des cornouillers viennent rompre la monotonie ambiante. « L’été, les feuilles des arbres cachent totalement les immeubles », insiste Pascale Poulain. Des haies d’osier tressé forment d’agréables cocons. Un sentier est bordé de sable et de graminées dans un esprit bord de mer. Le « sas vert » se trouve à l’abri des bambous noirs. Des pots en hauteur appelés « tourbillons de senteur » placent certaines plantes olfactives à portée de main. Les résidents peuvent également grappiller au bord du chemin du thym, du basilic, des tomates ou des framboises.
Les chaises ajoutent une touche joyeuse à l’ensemble : jaune, orange, rouge… Elles invitent à la conversation ou à la contemplation : « Nous avons choisi un mobilier de qualité », souligne Pascale Poulain. « C’est de l’aluminium et non du plastique. » À Bordeaux, des palettes de livraison de médicaments ont été recyclés pour entamer une vie plus bucolique : « Les bénévoles nous ont aidés à fabriquer des bancs à partir de ce matériau », explique Rémy Bironneau. Familiers des lieux, les visiteurs emmènent volontiers les résidents en promenade. Ils y croisent souvent des blouses blanches : « Beaucoup de salariés déjeunent à l’extérieur. Cela leur permet de faire une vraie coupure. » Pascale Poulain renchérit : « Les tables de pique nique sont très sollicitées. L’espace devant le mur d’eau est également apprécié pour les pauses des soignants. Nous l’avons pensé comme une place de village. »
La maison de santé Marie Galène propose aussi des panneaux qui aident à identifier les oiseaux: « De nombreux patients viennent de la campagne », remarque Rémy Bironneau. « C’est souvent un prétexte pour engager la discussion. » À Bordeaux comme à Paris, ces lieux de vie ont pu voir le jour grâce au soutien généreux de mécènes.